Vidéo : Nos chaînes sont tombées en créant ensemble

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3 min readMay 4, 2017

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Moïse Compaoré raconte la transformation de la vie des détenus du Camp pénal de Bouaké (Côte d’Ivoire), après leur rencontre avec Joseph Wresinski.

N ous allons vous entretenir de ce que nous avons vécu au camp pénal de Bouaké où le père Joseph est venu, et qui a demandé aux détenus, en les mettant autour de lui, en se donnant les mains, de s’unir pour lutter contre cette misère dans laquelle ils vivaient.

Un détenu, quand il devait sortir, il sortait avec la chaîne aux pieds. Et même pour aller se faire soigner, tu devais sortir avec la chaîne aux pieds.

Les détenus se demandaient comment allons-nous faire pour nous unir, alors que toute la vie dans la prison consistait à s’enfoncer les uns les autres. L’amitié, c’était pas possible. Il y avait la suspicion, l’extrême violence, tout le monde marchait avec son couteau, tout le monde se méfiait de tout le monde. Comment on peut s’unir dans ces conditions ?

Père Joseph est parti, mais il y avait là la sœur Simone. Sœur Simone a dit qu’il y avait au sein du Mouvement des clubs du savoir, ces clubs se voulaient être un lieu de partage de savoir. “Voilà, que ceux qui connaissent quelque chose apprennent à ceux qui ne connaissent pas”.

On se demandait mais, qu’est-ce qu’on a à apprendre en prison ici ? On cherche à manger, à vivre.

La sœur Simone a amené la craie, et puis ils ont commencé, sur les murs, à apprendre et même sur les portes, dans les cellules, à apprendre à lire çà ceux qui savaient pas lire. D’autres sont venus : « Ah, moi je sais faire du théâtre ». La misère, elle a ça de terrible qu’elle déforme l’homme.Tu deviens comme une bête.

Et plus le club grandissait, plus l’unité grandissait et c’est à travers ce quotidien, avec la soeur Simone, avec les volontaires qui venaient, que nous avons commencé à comprendre vraiment le père Joseph.

Après l’alphabétisation, le théâtre, d’autres sont venus, ils ont commencé à faire de la sculpture: « Ah, c’est ce que moi je faisais en ville », alors la sœur Simone ramassait du bois et lui disait de commencer à sculpter. Elle nous demandait toujours de donner le meilleur de nous mêmes. Ça, on ne le comprenait pas souvent….« c’est en faisant de belles choses que vous serez considérés. »

Ce club du savoir a fait la démonstration que quand les gens se mettent ensemble, les choses peuvent changer.

Soeur Simone a gagné le coeur des hommes un à un. Au niveau de l’Église, des médecins, de l’hôpital, au niveau des habitants du quartier. Elle les invitait à venir vers nous, pas pour nous donner à manger ou nous faire des cadeaux, mais tout simplement pour échanger avec nous, nous respecter.

La Ministre de la justice, Jacqueline Oble, est venue à la prison. Et la soeur lui a montré une sculpture que Soro avait fait. La Ministre a dit : “C’est beau ça”. C’est ainsi que la sculpture a été installée à la basilique Notre Dame de Yamoussouko. Cela faisait l’honneur des détenus, ça faisait l’honneur des surveillants, l’honneur de l’Église de Bouaké…et ça faisait l’honneur du pays.

C’est à partir de là que le regard de l’administration pénitentiaire a changé, le regard des autorités a changé, le regard des surveillants a changé. Nous-mêmes, on a commencé à croire en nous.

Depuis, chaque année, il y a un pèlerinage qui rassemble des chrétiens, des musulmans… toutes religions confondues. C’est une grande fierté pour nous de savoir que tous les gestes que nous avons posés, cette solidarité que nous avons bâtie, elle vit toujours.

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